Le
salaire est faible pour un travail qui exige de grimper au sommet d’un
palmier, à 15 mètres du sol, sans filet de sécurité: pas étonnant que
l’industrie du vin de palme ait du mal à trouver des recrues.
“Il n’y a pas de candidats”, dit Anthony Ozioko, épuisé
par son ascension du matin. A 63 ans, il est l’unique employé de sa
propre entreprise de vin de palme, à Nsukka, dans le sud-est, et doit
collecter lui-même la sève du raphia, ce très haut palmier aux longues
feuilles en épi.
Issu de la fermentation naturelle de la sève, le vin de
palme est un ingrédient clé de la vie sociale au Nigeria, indispensable
lors des fêtes de mariage et concerts. On le déguste dans la région
depuis des siècles, bien avant la colonisation britannique et la
création du pays.
Pour reprendre des forces, M. Ozioko déguste un verre du
liquide tout juste extrait de l’arbre: dans sa version non-alcoolisée,
on lui prête des vertus médicinales, notamment pour le système digestif.
Une fois fermentée et distillée, la boisson d’un blanc
laiteux, légèrement sucrée et pétillante, aussi alcoolisée qu’une bière,
ressemble plus à du cidre qu‘à du vin.
La bière et les alcools étrangers ont inondé le marché
nigérian, offrant aujourd’hui des alternatives aux consommateurs, mais
il existe encore une forte demande pour le vin de palme qui fait
toujours partie de la culture locale.
Mais les tentatives de développer le secteur ont toutes
échoué jusqu’ici, dans un pays où l’agriculture est en déclin face à
l’industrie pétrolière omniprésente.
Le processus de fabrication reste donc très archaïque et le métier, éreintant, n’attire pas les jeunes générations.
“Je ne veux pas que mon fils devienne un récoltant (de
vin de palme), je veux qu’il soit pilote”, décrète Sabimus Nwudo, le
voisin de M. Ozioko.
Quand un arbre est prêt pour la récolte, il faut d’abord
créer de larges entailles le long du tronc, à l’aide d’une machette, sur
lesquelles le récoltant posera ensuite ses pieds pour grimper, en
s’aidant d’une sorte de harnais.
M. Ozioko grimpe vite et manie son harnais avec agilité.
Puis il s’installe en haut du palmier pour en prélever la sève, qui
s’est écoulée dans une bouteille installée au préalable.
Si des années d’expérience lui ont donné une aisance qui
font croire la tache facile, les accidents mortels sont relativement
fréquents, selon les gens de la région.
“Si on ne sait pas grimper, on tombe”, résume M. Ozioko.
L’institut nigérian de recherche sur l’huile de palme
(Nifor) a un plan pour organiser le secteur, former les nouveaux
récoltants et rendre cette activité plus rentable.
Le Nifor prévoit la formation de groupes de dix personnes
récoltant chacun 150 litres de breuvage par jour, selon ce
projet-pilote, conçu avec l’aide de l’agence gouvernementale pour la
recherche industrielle.
Le breuvage serait transféré à des usines locales qui vendraient ensuite les bouteilles aux commerçants.
L’organisme estime que chaque récoltant gagnerait environ
120.000 nairas (570 euros) par mois. Si ça marche, “la jeune génération
sera peut-être attirée” par la profession, pense Isona Gold, du Nifor.
Mais les investisseurs “n’ont pas montré beaucoup d’intérêt pour le projet” jusqu’ici, regrette M. Gold.
Le manque d’investissements, publics et privés, et
d’infrastructure affecte tout le secteur agricole, pourtant le premier
employeur du pays.
Pays le plus peuplé d’Afrique avec 167 millions
d’habitants, le Nigeria était le premier importateur mondial de riz en
2012, selon le département américain de l’agriculture. Malgré un climat
et des terres adaptés à une production de riz à grande échelle, le pays
en a importé 3,4 millions de tonnes l’année dernière.
Pour les économistes, le cas du riz est un exemple criant du déclin du secteur agricole nigérian.
Loin des 150 litres que vise le projet-pilote du Nifor,
M. Ozioko vend un peu moins de quatre litres de vin de palme par jour,
ce qui lui rapporte environ 7,5 euros. C’est peu, mais déjà beaucoup,
dans un pays où la majorité de la population vit avec moins de deux
dollars par jour.
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